Le groupe Bolloré poursuit sa mue en se retirant des activités
logistiques sur le continent africain, qui avaient largement participé à la
diversification de l’entreprise familiale bicentenaire, en les cédants à son
ancien rival MSC pour 5,7 milliards d’euros.
L’annonce intervient à l’extrême
limite de la période de négociations exclusives entre les deux groupes ouverte
le 20 décembre, l’opération devant être finalisée «d’ici la fin du premier
trimestre 2023», selon un communiqué publié par Bolloré jeudi soir. La branche
Bolloré Africa Logistics, qui possède des infrastructures dans plus de 20 pays
sur l’ensemble du continent parmi lesquelles un réseau de seize concessions
portuaires, des entrepôts et des hubs routiers et ferroviaires, suscitait
également l’intérêt d’autres acteurs du transport maritime, Maersk et CMA-CGM.
Mais Bolloré avait accordé à MSC (Mediterranean Shipping Company) une
exclusivité après que l’armateur italo-suisse a transmis une offre initiale de
5,7 milliards d’euros, déjà.
Basé à Genève, MSC appartient à
la famille italienne Aponte et revendique une flotte de 560 navires et plus de
100.000 employés, avec la gestion de terminaux à Singapour, Long Beach
(Californie) ou Rotterdam. «L’acquisition de Bolloré Africa Logistics confirme
l’engagement de long terme du groupe MSC pour investir en Afrique et renforcer
les chaînes d’approvisionnement sur le continent, tout en le reliant au reste
du monde», a souligné l’armateur dans un communiqué distinct.
2,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021
Plus rentable que la logistique
internationale de Bolloré, la branche de logistique africaine du groupe
français reste plus petite en chiffre d’affaires, avec 2,1 milliards d’euros
réalisés en 2020, sur un total de 24,1 milliards pour le groupe. Elle emploie
plus de 20.000 personnes. Bien avant les médias, la logistique et l’Afrique ont
fait la fortune de Vincent Bolloré, qui a pris en 1986 le contrôle de la SCAC
(Société commerciale d’affrètement et de combustible) au moment de sa
privatisation.
«La réalisation de la cession
serait soumise à l’obtention d’autorisations réglementaires et des autorités de
la concurrence compétentes ainsi qu’à l’accord de certaines des contreparties
de Bolloré Africa Logistics», a expliqué le groupe Bolloré. Cyrille Bolloré,
qui a succédé à son père comme PDG du groupe en 2019, accompagné de Philippe
Labonne, directeur général de Bolloré Ports, et de l’ex-président de la
République Nicolas Sarkozy, proche de la famille, s’étaient rendus en début
d’année à Abidjan pour convaincre les autorités ivoiriennes d’autoriser la
vente d’actifs stratégiques.
Mais confronté à des
investissements de plus en plus coûteux et à la concurrence grandissante des
opérateurs chinois, le groupe de Vincent Bolloré souhaitait la vendre. Elle
était également au cœur de scandales de corruptions au Togo et en Guinée pour
lesquels le groupe avait accepté en 2021 de payer une amende de 12 millions
d’euros à la justice française et d’être suivi par l’Agence française
anticorruption. Une juge avait cependant refusé d’homologuer la reconnaissance
préalable de culpabilité acceptée par Vincent Bolloré et deux autres
responsables. Leur dossier a été renvoyé à l’instruction. L’entreprise
familiale est accusée par la justice française d’avoir apporté son aide à des
campagnes électorales en échange de l’attribution de concessions portuaires
dans ces deux pays.
Un virage stratégique majeur
Via Vivendi, dont Bolloré est
premier actionnaire avec plus de 27% du capital, le groupe s’est lancé dans de
grandes manoeuvres, entre la cession de sa pépite Universal Music Group (UMG)
et le lancement d’une offre publique d’achat (OPA) sur le groupe Lagardère, qui
pourrait conduire à la création d’un mastodonte de l’édition, via le
rapprochement de Lagardère Publishing et d’Editis, numéro un et deux du marché
en France, et des médias.
Le groupe dans son ensemble a
réalisé un chiffre d’affaires proche de 20 milliards d’euros en 2021, en hausse
de 19%, avec un bénéfice net de 6 milliards d’euros. Il rappelle qu’il conservera
une «présence importante en Afrique», notamment via Canal+ et des
investissements dans la communication (Havas), le divertissement ou l’édition,
activités dans lesquelles le groupe assure qu’il «poursuivra ses
développements».