Après de longues heures de négociations, la Conférence des Nations
unies sur la biodiversité à Montréal a adopté lundi le principe d'un « cadre
mondial pour la biodiversité », une feuille de route de 23 objectifs pour
tenter d'enrayer la destruction de la nature d'ici 2030.
« L'accord a été adopté », a déclaré Huang
Runqiu, le président chinois de la COP15, cette nuit à Montréal en faisant
retentir un coup de marteau.
Après quatre années de
négociations difficiles, dix jours et une nuit de marathon diplomatique, plus
de 190 États sont parvenus à un accord. Ce « pacte de paix avec la nature »
appelé « accord de Kunming-Montréal » vise à protéger les terres, les océans et
les espèces de la pollution, de la dégradation et de la crise climatique.
30% de la planète protégée et des terres dégradées restaurées
Concrètement, les pays se sont
mis d'accord sur une feuille de route visant à protéger 30% des terres et des
mers d’ici à 2030. Cela se fera « par le biais de réseaux d'aires protégées
écologiquement représentatifs, bien reliés et gérés de manière équitable » et «
tout en veillant à ce que toute utilisation durable (...) soit pleinement
compatible avec les objectifs de la conservation ». L'objectif est donc mondial
et non pas national, impliquant que certains en fassent plus que les autres, ou
en fasse plus sur terre que sur mer. Ces 30% sont un minimum pour les scientifiques
et les ONG, qui jugent que 50% serait nécessaire. À ce jour, 17% des terres et
8% des mers sont protégées.
Deuxième objectif : restaurer 30%
des écosystèmes terrestres, de mers intérieures et d'écosystèmes côtiers et
marins dégradés.
Les négociations ont été marquées
par un long marchandage entre le Nord et le Sud : plus d'ambitions écologiques
en échange de plus de subventions internationales, et vice versa. Au final, le
texte approuve l'objectif pour les pays riches de fournir « au moins 20 milliards
de dollars par an d'ici 2025, et au moins 30 milliards de dollars par an d'ici
2030 ». Soit environ le double puis le triple de l'aide internationale actuelle
pour la biodiversité.
Autre objectif qui n’était pas prévu ou pas
forcément gagné d’avance : la réduction des pesticides. L'accord prévoit de
réduire « les risques de pollution et l'impact négatif de la pollution de
toutes les sources, d'ici 2030, à des niveaux qui ne sont pas nuisibles à la
biodiversité ». Un long bras de fer a opposé l'Union européenne à des pays
comme le Brésil, l'Inde ou l'Indonésie.
Mais il y a aussi des faiblesses
dans ce texte, souligne notre envoyée spéciale à Montréal,Lucile Gimberg. Pour
rappel, quasiment aucun objectif fixé à l'accord précédent, en 2010 à Aichi,
n'a été atteint à son terme, en 2020. Cette fois, les pays ont donc adopté un
mécanisme de planification et de suivi commun, avec des indicateurs précis. Un
mécanisme qui va encore devoir faire ses preuves. Le texte reste moins
contraignant que celui sur l'accord de Paris pour le climat.
Et puis évidemment cette déception
d’un certain nombre de pays du Sud, notamment des pays africains, sur les
financements qui augmentent, mais qui ne sont pas à la hauteur de leurs
attentes. D'ailleurs, après les applaudissements qui ont suivi l'accord, il y a
eu un moment de tension. La République démocratique du Congo a dit en effet son
opposition à cet accord en raison de l’absence d’un fonds dédié pour les pays
du Sud. C’était une des grandes demandes. Elle a dénoncé un « manque d’ambition
» financière alors que le la RDC notamment, et les pays du bassin du Congo,
vont devoir dépenser beaucoup d’argent pour protéger la biodiversité dans leurs
espaces naturels. Le Cameroun a parlé de « passage en force ».
Accord « historique »
Il n'empêche, cet accord est
qualifié d'« historique » par la présidente de la Commission européenne Ursula
von der Leyen. « Historique » aussi pour Christophe Béchu, ministre de la
Transition écologique.
On a un accord qui inclut les
pesticides, on a un accord qui précise qu’il va falloir éliminer les
subventions qui sont néfastes à la biodiversité, on a des engagements, pas
seulement jusqu’en 2050, mais avec des dates, qui concernent 2030, et on a des
financements, même si certains pays trouvent que ça ne va pas assez loin, qui
doublent, entre maintenant et 2025, et qui triplent d’ici 2030 ! Il faut
regarder d’où on part. Pour toutes ces raisons, c’est un accord absolument
historique.
Christophe Béchu, ministre de la
Transition écologique
« La protection de la nature
prend aujourd'hui sa juste place, juste à côté du climat, Espen Eide, s'est
félicité le ministre du climat et de l'Environnement norvégien. Depuis cinq ou
six ans, le climat est devenu un sujet de premier niveau. Les chefs d'États et
de gouvernement, les grands patrons, les grandes organisations travaillent
sérieusement sur le climat. Mais nous n'avons pas prêté assez attention à la
nature. Pourtant, nous vivons une crise du climat et une crise de la nature. Et
nous devons rééquilibrer ces deux batailles. Il ne s'agit pas seulement de
réduire nos émissions de gaz à effet de serre mais aussi de préserver la
biodiversité. Et je pense que ce cadre international aura un effet matériel sur
le monde. Pour les gouvernements, les ONG, les entreprises qui voudront
développer leurs investissements en respectant davantage la nature. Et cela
fixe le cap pour les prochaines COP. Soyons clair, j'aurais aimé un texte plus
fort. Mais je pense qu'on a obtenu un accord raisonnablement bon, qui envoie un
message fort et fixe les exigences pour l'avenir. »
(Avec AFP)