Ce lundi 3 janvier, Moriba Alain Koné a pris fonction comme ministre de la Justice et des Droits de l'homme. Cette passation de service intervient trois jours après un dysfonctionnement au sommet révélé au grand jour : Fatoumata Yarie Soumah, l'ancienne garde des Sceaux, a été limogée par la junte ce week-end. En cause : un désaccord avec des responsables de la présidence sur le fonctionnement de son département.
Tout est parti d'une réunion convoquée par la présidence
avec les magistrats pour leur expliquer la « politique pénale de la transition
». Une réunion convoquée le 2 janvier, sans l'aval de la ministre de la
Justice.
Fatoumata Yarie Soumah a exprimé son désaccord dans une
lettre adressée au secrétaire général de la présidence, le colonel Amara Camara
: pour elle, les procédures ne sont pas respectées par la junte.
La politique pénale de la transition « ne se discute pas
entre le président de la Transition et le personnel de la Justice, écrit-elle,
mais entre le président de la Transition, le Premier ministre et le ministre de
la Justice », souligne Fatoumata Yarie Soumah, qui demande l'annulation de
cette audience. En guise de réponse, la ministre a été limogée dans le
week-end.
Certaines sources évoquent par ailleurs un cumul de
frustrations vécu par cette notaire : avant cet épisode, la ministre avait vu
sa liste de propositions de nominations de magistrats partiellement modifiée,
sans être au préalable consultée...
Autre sujet de désaccord : la décision de la junte de
rebaptiser l'aéroport de Conakry Ahmed Sekou Touré, du nom de l'ancien
président, personnage trop clivant aux yeux de l'ancienne ministre.
Dysfonctionnements
Deux mois seulement après la mise en place d'un gouvernement
civil, ce limogeage révèle des dysfonctionnements dans l'appareil d'Etat. La
révocation rapide d’une ministre tranche avec la teneur du discours du colonel
Mamadi Doumbouya, le président de la transition, qui le 31 décembre, assure
militer pour la « séparation des pouvoirs ».
Mais dans les faits, plusieurs couacs ont été observés ces
dernières semaines. En témoigne, la critique ouverte formulée par le Premier
ministre, Mohamed Béavogui, au lendemain de la cérémonie au cours de laquelle
le président a rebaptisé l'aéroport du nom d'Ahmed Sékou Touré. « Je suis
surpris, mécontent et dépassé », avait alors dit le Premier ministre, qui
regrette de n'avoir été « ni consulté, ni associé dans la prise de décision ».
A travers son limogeage et la fuite de son échange
épistolaire avec la présidence, Fatoumata Yarie Soumah montre qu'elle non plus,
n'a pas été consultée par les autorités militaires. Pour le chercheur Kabinet
Fofana, ces incidents révèlent la mainmise des militaires sur le gouvernement
civil.
« C’est symptomatique d’une sorte de malaise entre les
militaires qui sont plus importants au sein de la présidence de la république
et le gouvernement sur le contrôle de l’exécutif. La présidence de la
république est tenue par le président Mamadi Doumbouya lui-même et son puissant
secrétaire général de la présidence et quand on regarde un peu les pouvoirs de
celui-ci, c’est énorme. C’est vraiment un dysfonctionnement qui ne dit pas son
nom entre les membres du gouvernement et ceux qui sont à la présidence de la
république. »
De son côté, la toute nouvelle coalition des partis
politique se veut un espace pour observer et scruter les actes posés pendant la
transition.
Avec RFI