Quand le chef de l’armée le général Abdel
Fattah al-Burhane et le patron des paramilitaires des Forces de soutien rapide
(FSR), le général Mohamed Hamdane Daglo, alias Hemedti, se fâchent, ce sont les
populations civiles qui en font les frais. Même terrés chez eux, les habitants
de Khartoum et de certaines localités de l’intérieur du pays, ne sont pas à
l’abri de la folie
meurtrière qui s’est emparée de militaires qui veulent garder le
pouvoir qu’ils ont arraché par les armes et de paramilitaires qui veulent s’en
emparer à leur tour.
Et
dans cette danse autour du pouvoir, ce sont les balles qui rythment la cadence.
Depuis ce samedi, les deux camps en conflit refusent de mettre balle à terre,
malgré les appels au cessez-le-feu lancés depuis plusieurs capitales
occidentales comme Paris, Téhéran, Moscou, Washington, Moscou, Riyad, Rome, ou
encore des sièges d’organisations comme l’Union européenne, l’ONU, la Ligue
arabe, et, bien entendu, l’Union africaine dont le président de la commission
est attendu à Khartoum. Pendant ce temps, les civils, installés aux premières
loges malgré eux, suivent, pardon subissent la hargne de militaires et
paramilitaires qui s’anéantissent.
Du
coup, les hôpitaux, sous pression, refusent du monde et supplient les
populations de rester à la maison, car les personnels soignants seront bientôt
à court de tout. Déjà, suite à la mort de trois humanitaires qui travaillaient
pour lui, le Programme alimentaire mondial (PAM) qui réclame justice pour eux,
vient de suspendre ses opérations au Soudan. Les Soudanais ayant été, pour la
plupart, surpris par ce match inattendu entre les hommes de al-Burhane et ceux
de Hemedti, pourront-ils rester cloîtrés indéfiniment chez eux, surtout s’ils
n’ont plus à manger? Et comment organiseront-ils les prières et ruptures de
jeûne collectives dans un pays où c’est une tradition? Mieux si jusqu’au
Ramadan, les militaires et paramilitaires continuent de s’affronter, comment se
passera la fête? En attendant que les provisions viennent à manquer, c’est
l’électricité et l’eau qui font déjà défaut dans certaines parties de la ville.
S’il
est difficile pour l’instant de donner une ou l’autre partie des belligérants
vainqueur, on peut affirmer sans se tromper que le peuple à qui sa révolution a
été volée par les militaires un jeudi 11 avril 2019, continue sa descente aux
enfers. Alors qu’ils pensaient goûter, enfin, à une vie démocratique normale
après avoir fait chuter le général Omar el-Béchir, les Soudanais se retrouvent
sous la chape de plomb d’un…général qui a décidé de perpétuer la prise en otage
du pays par les…généraux! Bénéficiant de l’œil bienveillant de certains chefs
de l’Etat dont son voisin égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, avec qui le destin
lui fait partager le même prénom, le général Abdel Fattah al-Burhane a
multiplié les coups d’Etat, réussissant à se débarrasser de son Premier ministre
civil d’alors, Abdallah Hamdok.
Al-Burhane
s’est alors retrouvé seul maître à bord du navire battant pavillon Soudan, en
pleine dérive militaire, et qui s’éloigne depuis près de cinq années
maintenant, suite à des décennies de pouvoir de fer de Oumar el-Béchir, du quai
de la démocratie. En tout cas, les militaires qui ont pu sauver la mainmise
qu’ils ont sur l’économie nationale, en sacrifiant le «général danseur à la
canne» bandent encore les muscles, pour demeurer aux affaires.
Une
fois de plus, le peuple se retrouve face aux armes des généraux qui, cette
fois-ci, se sont lancés dans une guerre sans merci. Un affrontement dont les
civils soudanais sortiront encore vaincus! Quelle que soit l’issue de ce
conflit fratricide, le Soudan risque de vivre encore, pour longtemps peut-être,
le fusil sur la tempe. C’est dommage pour un peuple qui se bat tout seul pour
sa liberté, depuis des lustres, offrant la poitrine aux balles assassines des
généraux assoiffés de pouvoir. Que fait donc la communauté internationale, en
dehors des déclarations et condamnations de principe, qui coulent comme de
l’eau sur le dos d’un canard?
Il
est temps de pacifier le Soudan, après la parenthèse de sang du Darfour et
surtout d’y asseoir les fondements d’un pouvoir démocratique pour libérer les
populations de la menace constante des armes qui pèse sur elles. En attendant,
il urge de ramener les généraux al-Burhane et son désormais ex-allié Hemedti,
autour de la table des négociations. Ce qui ne sera pas déjà la chose la plus aisée
à faire!